
Vos 3 chapitres gratuits
Amour de jeunesse (15 ans)
Amour innocent (16-17 ans)
Rupture et peine d’amour (17-19 ans)
Titres des chapitres du livre
Introduction
Préface de Stéphanie.
1- Amour de jeunesse (15 ans)
2- Amour innocent (16-17 ans)
3- Rupture et peine d’amour (17-19 ans moins trois mois)
4- Je suis à toi mon amour (19 ans moins un mois)
5- Amour espoir (19-21 ans)
6- L’arrivé d’un premier enfant, amour inconditionnel (21-25 ans)
7- Les enfants, ça change une vie!
8- Amour de soi, un premier départ (25 ans)
9- Un danger à l’horizon… (25 ans)
10- Amour de soi, évolution… (25-37 ans)
11- L’amour de soi (deuxième tentative) (37-40 ans)
12- Crise de 40 ans
13- De grandes décisions (44-46 ans)
14- Le début d’une nouvelle vie
15- Crise de 50 ans
16- Un nouvel amour
17- On se donne une chance
18- Et c’est reparti pour un tour! Vive la thérapie de couple!
19- À la recherche de réponses
20- Mon choix
Avant-propos
Ce livre est le plus difficile que j’ai fait jusqu’à présent. Non pas à écrire mais à vivre. Il m’a demandé beaucoup d’humilité, d’introspection et de transparence, mais j’en suis très fière, ça valait la peine. Il contient une valeur inestimable de vécu, d’expériences,
de fonctionnements, d’analyses, de transformations, d’évolutions et de croissance personnelle. Je me mets à nu afin que mon partage soit le plus authentique et aidant possible.
Je partage donc avec vous trente-sept années de ma vie amoureuse en passant par mon amour d’enfance, mes ruptures, mon mariage, la venue des enfants, l’ouverture de mon commerce et la découverte de ma mission de vie, et ce, jusqu’à aujourd’hui. Vous découvrirez
comment, à travers les années et mes expériences de vie, j’ai appris à me construire et à trouver mes repères afin de satisfaire mes besoins ou, encore, comment je me suis cherchée, sabotée, punie inconsciemment et développé cette pulsion de mort qui m’a habitée
tant d’années. Je me suis mariée très jeune, cela fait trente-deux ans que je partage ma vie avec le même homme. Vous connaîtrez les hauts et les bas de cette relation dans l’espoir que ce vécu puisse
vous servir dans votre propre vie. De cette union sont nés quatre enfants et nous sommes maintenant les grands-parents de deux petits garçons.
J’ai décidé d’utiliser mon vécu parce qu’il est particulièrement riche d’expériences de toutes sortes et que plusieurs se reconnaîtront à travers celui-ci. Ce faisant, ils pourront également bénéficier des bienfaits de l’analyse thérapeutique que Stéphanie nous offre avec un brin d’humour à chaque étape de ma vie. Vous y trouverez le déclencheur, la situation et les solutions proposées.
Comme tout le monde, nous portons tous deux, mon mari et moi, notre bagage de blessures d’enfance et nous avons chacun développé, face à celles-ci, nos mécanismes de défense afin de nous protéger. Cependant, un mécanisme de défense sert un temps; par la suite, il nous cause plus d’insatisfaction et de souffrance que l’inverse. Il nous faut donc apprendre comment agir autrement, prendre conscience de notre fonctionnement afin que nos relations deviennent plus épanouissantes. Il y a de fortes chances que vous vous identifiez dans plusieurs de mes déclencheurs et façons de réagir ainsi que dans ceux de mon mari. Vous pourrez ainsi mieux comprendre vos propres réactions et apprendre à appliquer les solutions proposées afin de vivre davantage de satisfaction dans votre relation de couple.
Quand j’écris un livre, je me pose toujours ces questions: Quel héritage est-ce que je veux laisser? Quel est le message, quelle est la mission de ce livre ? Je crois que, lorsqu’on écrit un livre sur son histoire, c’est pour qu’il serve à d’autres. En tout cas, moi, c’est ce que je souhaite. Je sais d’expérience que le partage de vécu aide énormément à la compréhension d’une situation et rend l’enseignement beaucoup plus efficace et agréable.
Je remercie infiniment Stéphanie pour son professionnalisme, son humour et son humanisme tout au long de ses analyses de ma vie. Elle a très bien su déceler même ce qui était caché et non verbalisé dans mon récit. Elle est venue maintes fois vérifier, valider et obtenir des réponses qui n’étaient pas nécessairement présentes ici. J’ai eu de nombreuses surprises face à plusieurs de mes comportements que je n’avais même pas vus ou réalisés. Par sa franchise, j’ai cheminé de façon absolument incroyable et je ne pourrai jamais la remercier assez pour cela.
Merci également à mon mari d’avoir accepté de partager notre vécu de couple avec autant de transparence et d’humilité. Je sais que ce n’était pas chose facile.
Je vous souhaite de prendre le temps de bien lire chaque chapitre, de faire le parallèle avec votre vie et ensuite de lire l’analyse de ce chapitre afin de trouver vos propres déclencheurs et vos solutions.
C’est le genre de livre que j’aurais aimé lire afin de m’aider à cheminer. J’espère que vous l’apprécierez et que vous l’utiliserez pour vous construire.
Avec beaucoup d’amour,
Chantal
J’avais 15 ans lorsque je vécu mon premier amour. Je m’intéressais aux garçons depuis déjà un moment, mais je savais que l’assurance et le caractère que je démontrais en intimidait plusieurs. Bon nombre avait été témoin de mes quelques interventions auprès de certains professeurs et intimidateurs. J’étais bien résolue à me faire un copain, mais pas à n’importe quel prix. J’avais déjà eu des propositions de garçons, mais aucun ne m’intéressait ou répondait à mes critères de sélection. J’avais besoin de me sentir importante et non juste une expérience de passage.
Sa famille était nos nouveaux voisins au chalet de ma tante, ils avaient acheté l’ancien chalet de mon père. Ils étaient cinq frères, dont deux dans ma tranche d’âge soit 16 et 17 ans. Les deux étaient assez beaux garçons et m’intéressaient. Le peu de temps passé en leur présence par contre ne fut pas très propice à vraiment apprendre à bien les connaître. Le peu que j’avais pu observer cependant m’intéressait. Je semblais intéresser les deux garçons, mais mon choix n’était pas encore fait. Ma sœur cependant avait des yeux sur le plus jeune des deux, ce qui fit que je concentrai donc ma séduction sur celui de 17 ans.
Un jour où je marchais seule à la cueillette des petits fruits sur le bord de la route sablonneuse, perdue dans mes pensées, je le vis sortir de chez lui et marcher dans ma direction. Je dois dire que j’espérais cette initiative depuis déjà un moment et répétais les occasions, sans vraiment y croire. Surprise, je me suis cachée dans les bois en l’observant. Il n’était peut-être pas du tout là pour moi après tout. Il semblait chercher quelque chose et était de toute évidence à ma recherche. Je pris alors mon courage à deux mains et sortis du bois feignant la surprise avec des petits fruits dans la main.
Mon apparition le surpris, mais le réjouit également. Il me dit qu’il me cherchait et voulait prendre une marche avec moi. Je lui proposai des fruits et nous partîmes prendre une marche ensemble. J’étais hyper nerveuse et très contente. J’osais à peine croire qu’il était là pour moi. Nous n’avons fait que discuté pendant des heures. Nous nous sommes assis près du lac et avons parlé de tout et de rien. Mes sens étaient en ébullition. S’il m’avait embrassé à ce moment, je n’aurais pas dit non, mais il n’en a rien fait et je ne prenais aucune initiative en ce sens. Sur le chemin du retour par contre, il me prit la main et mon cœur fit trois tours. J’étais si contente et excitée dans ma complète innocence de ce jeu de l’amour.
Nous avions convenu de nous écrire et à l’occasion de nous appeler, mais cela voulait dire payer des frais de longue distance. De plus, le téléphone était dans la cuisine alors, aucune intimité. Il vivait loin de chez moi et nous voir était davantage lors de nos séjours au chalet. Il lui arrivait de venir passer la fin de semaine à la maison ou moi chez eux. Sa mère me préparait la chambre des jumeaux qui avaient 9 ans à cette époque et dormaient sur le divan le temps de mon séjour. Ce fut donc un amour longue distance et très espacé qui dura environ un an.
Je me souviens de grandes marches, de baisers, de rares caresses… Tout cela m’enivrait au plus haut point, j’avais la tête dans les nuages. En même temps, j’avais parfois l’impression que cette relation était un peu comme un jeu pour lui. Il me disait parfois : j’aimerais essayer quelque chose si tu le veux bien. Il trouvait cela amusant, mais pour moi qui me croyais en amour passionnel jusqu’au cou, je trouvais cela vexant. J’y mettais tout mon amour, mon âme même, me semblait-il. Je voulais me laisser guider par mes émotions, le feu du désir et de la passion qui brûlait en moi, mais lui disait que c’était trop dangereux, qu’il perdrait son contrôle s’il faisait ça.
Le jour de sa graduation, nous étions sortis prendre l’air et chercher un peu d’intimité dans son pick-up. Il m’a embrassé passionnément ce soir-là et me caressa par-dessus mes vêtements. Il était très emballé, c’était savoureux. Puis, il s’est arrêté subitement et il m’a dit; je ne peux pas, ce n’est pas bien, tu es trop jeune. Je ne sais pas ce qu’il avait à l’esprit pour dire ça mais pour moi je sais que cela n’aurait pas été plus loin. Il devait penser que je voulais faire l’amour, comme s’il n’y avait que la pénétration comme découverte!
Plus nous discutions de nos visions d’avenir, plus je me rendais compte du fossé qui nous séparait. On ne voyait pas du tout les choses de la même façon. J’avais 15 ans, lui 17 ans. Il se disait plus vieux et plus mature. Il était de son devoir de me protéger. Me protéger de quoi? Il ne m’a jamais dit. J’étais contrariée et frustrée de me faire considérer comme immature. C’était à moi de décider pour moi!
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L’analyse de Stéphanie
- L’élément déclencheur : Il me disait parfois : ‘’J’aimerais essayer quelque chose si tu le veux bien(…)’’
- Le vécu déclenché: ‘’Je trouvais cela vexant’’
J’aimerais profiter de cet exemple pour ouvrir une parenthèse sur comment dire les choses en communication non-violente. Je dis cela parce que souvent nous avons envie de dire ‘’Je suis blessée’’ – ici Chantal dit plutôt ‘’je trouve cela vexant’’ – avec l’intention de ne pas parler au ‘’TU’’, mais plutôt au ‘’JE’’, alors que cette formulation ‘’Je suis blessée/ je suis vexée’’, insinue que c’est l’autre partie qui nous a blessé. Comme on nous le répétait au CRAM, il s’agit en fait ‘’d’un ‘’TU’’ déguisé en ‘’JE’’, mais pas d’un vrai ‘’JE’’. Donc en communication non-violente, on va plutôt dire que Chantal est déclenchée dans une blessure, car cela démontre que c’est quelque chose qu’elle porte déjà et qui est souffrant pour elle quand cette zone est touchée. Par contre, elle ne nomme pas laquelle, tout ce qu’on sait, c’est que quelque chose dans les mots de cet adolescent lui fait vivre un malaise assez fort pour toucher cette zone sensible qu’elle porte déjà au moment de se faire dire cela.
- La réaction/comportement réflexe : J’avais parfois l’impression que cette relation était un peu comme un jeu pour lui. Il trouvait cela amusant (…)
Une autre hypothèse très plausible serait qu’il cherchait simplement à explorer la sexualité avec Chantal, donc de jouer ensemble, ce qui est parfaitement normal à cet âge-là, sans chercher à ‘’utiliser quelqu’un’’. Chantal glisse ici dans le mécanisme de défense de l’interprétation, car tout ce que le jeune garçon a fait, c’était de demander d’essayer quelque chose de nouveau.
- Les conséquences sur la relation entre les deux personnes : Le fait de ne pas se rendre compte qu’elle est en train d’interpréter, car je suis profondément convaincue que Chantal croit sincèrement sa théorie qui lui est venue d’elle-même, peut causer de la confusion et ce qu’on appelle en terme de l’Approche Non Directive Créatrice (ANDC) un non-dit, c’est-à-dire que Chantal porte un malaise face à des propos prononcés ;
- Ma rétroaction thérapeutique : Chantal, je saisis que pour toi cette relation n’était pas un jeu! C’était quelque chose de plus important et de plus profond pour toi. Je comprends que l’idée que cela puisse n’être qu’un jeu pour l’autre soit vexante pour toi. Je ne sais pas ce que cela a pu venir chercher de souffrant en toi au point que tu t’en rappelles et en reparle 36 ans plus tard, mais je suis profondément sensible aux émotions que tu as dû vivre à ce moment-là. L’idée que tu sois restée toute seule avec ce malaise, que tu te sois isolée plutôt que d’avoir trouvé un chemin pour te faire du bien là-dedans à l’époque, m’attriste, car tu as dû te sentir seule. J’espère qu’aujourd’hui, en lisant ces mots, tu puisses te sentir enfin saisie et soutenue. Je suis sensible à l’adolescente passionnée qui voulait tellement vivre les choses à fond, mais surtout, à fond et à deux, en relation !
- Le mécanisme de protection que je propose : La vérification, c’est-à-dire de demander à l’autre : ‘’Quand tu dis : ‘’J’aimerais essayer quelque chose si tu le veux bien’’, je vis cette demande comme si notre relation était un jeu pour toi. Peux-tu me dire si je me trompe ou si c’est bien de cela qu’il s’agit pour toi?’’
Cela peut sembler infantilisant ou même ridicule d’oser se montrer vulnérable de cette façon, mais pour avoir utilisé cette méthode à maintes reprises moi-même, je vous signe un papier qu’à force de le faire, on finit par se voir aller quand on interprète les autres. La toute première fois, c’est souvent difficile de croire l’autre quand il nous répond quelque chose qui est différent de ce à quoi nous nous attendions, mais plus le temps passe, plus on essaie cet exercice, plus on se libère de ce mécanisme, car on l’observe aller et on n’y croit moins.
Cela aide à se remettre en question, à développer une plus grande humilité, cela nous permet de moins nous supérioriser, car croire que nous savons mieux que les autres ce qu’ils pensent ou cherchent à dire mieux qu’eux-mêmes, c’est donc de glisser dans deux fonctionnements à la fois : celui du supérieur, ainsi que celui de l’envahisseur, car nous envahissons ainsi le territoire psychique de l’autre. On peut dès lors commencer à utiliser ces projections comme outil pour une meilleure connaissance de soi, car nos projections sont une source intarissable d’informations provenant directement de notre subconscient.
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La réponse de Chantal suite à l’analyse de Stéphanie
En effet, cela venait chercher quelque chose de souffrant en moi. Je crois que c’est la peur du jugement et celui de ne pas me sentir importante, n’être qu’un objet de satisfaction et de curiosité. J’étais, à cette époque, en questionnement si je deviendrais religieuse. C’était en fait le rêve de ma mère. Cependant, je démontrais déjà un comportement irréprochable ne voulant pas passer pour une fille facile. On m’avait montré la bienséance et je m’y appliquais avec beaucoup d’énergie. Je ne savais pas encore que tous ces efforts dans le paraître étaient peine perdu et que quoi je fasse, le monde me jugerait de toute façon. Je me suis privée de bien des choses et de bien des expériences tout au long de ma vie à cause de cette peur du jugement.
Je garde de cette relation d’excellents souvenirs, ils seront ancrés dans ma mémoire toute ma vie. Je n’ai aucun regret. Je me suis toujours respectée tout au long de cette relation. J’ai vécu mes choses à fond, comme je le voulais même si lui de son côté s’en empêchait. Ça en était frustrant par moment. J’ai détesté me faire refuser, repousser. Je considérais que ce rôle devait être le mien. Il arrêtait avant que je ne touche à ma limite. Il avait peur d’abuser de moi.
Je ne suis pas certaine que cette relation fût de l’amour cependant. J’étais certes en amour mais était-ce avec la personne ou avec l’émotion ressenti? Je connais la réponse, j’étais définitivement en amour avec l’émotion de la passion. Je l’aimais bien et lui aussi mais nous n’avions rien en commun et nos idées étaient très différentes. Nous n’avions aucun avenir devant nous. Cependant, nos quelques rares échangent sexuels, si je peux les nommer ainsi, étaient magiques. Nous n’avons échangé que des baisers et quelques caresses par-dessus les vêtements mais cela était fantastique.
Je réalisais déjà à cette époque que je devrais prendre plus d’initiative, prendre certaines choses en mains et surtout parler davantage si je voulais être comprise et satisfaite. De plus, mon jeu de séduction comprenait de provoquer certaines situations pour faire réagir celui qui m’intéressait afin de savoir si je m’entendrais bien avec son caractère avant d’aller plus loin dans la relation et éviter les déceptions inutiles. Je n’apprécie pas avoir l’impression de perdre mon temps ou de servir de passe-temps. Cette relation m’a permis d’établir certaines de mes limites et savoir un peu plus ce que je voulais ou ne voulais pas.
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La deuxième analyse de Stéphanie
- L’élément déclencheur : « Il arrêtait avant que je ne touche à ma limite .»
- Le vécu déclenché : « Ça en était frustrant par moment. J’ai détesté me faire refuser, repousser. Je considérais que ce rôle devait être le mien »
Cette manière de s’exprimer colle parfaitement avec le sentiment de rejet, ce qui indique qu’un complexe d’abandon est touché par la situation décrite.
Il y a aussi l’attente sous-entendue que c’est à la fille de dire “non ». Chantal portait cette attente très typiquement judéo-chrétienne – comme ce n’est pas surprenant, n’est-ce pas? – et vivait visiblement de la frustration et de la déception face à cette attente déçue.
- La réaction/comportement réflexe : “J’ai détesté me faire refuser, repousser. Je considérais que ce rôle devait être le mien.’’
Je reprends le même passage parce que j’ai pu déduire les émotions à partir de la réaction de Chantal, mais ce passage décrit mieux sa réaction que les émotions réveillées. C’est d’ailleurs comme cela que cela se passe dans un bureau en thérapie également. Les gens parlent et on doit utiliser les réactions pour approfondir les émotions cachées derrière, car dès qu’un être humain tombe sur la défensive, c’est un indice infaillible pour deviner que des émotions ont été suscitées chez l’autre.
Ici Chantal interprète que le jeune homme la rejetait, alors qu’il était en fait à l’écoute de lui-même et cherchait simplement à se respecter lui-même dans sa peur d’aller plus loin en répondant “que c’était trop dangereux, qu’il perdrait son contrôle s’il faisait ça”. En jargon psychologique, nous appelons ce cas de figure un conflit de besoins, c’est-à-dire que le besoin de l’un entre en conflit avec le besoin de l’autre.
Chantal se défend de sa souffrance née de l’impression d’être rejetée en glissant dans le système relationnel du bourreau. Je veux dire par là qu’elle se replie émotionnellement sur elle-même, refoule sa peine et l’exprime plutôt par une colère défensive, adoptant une attitude rejetante, réflexe typique de ce système relationnel.
- Les conséquences sur la relation entre les deux personnes : En ne vérifiant pas si l’intention de son compagnon est de la rejeter ou non, Chantal reste seule avec cette souffrance de rejet. Déclenchée par cette douleur, ne sachant pas comment se faire du bien, elle adopte un fonctionnement qu’elle porte depuis longtemps déjà, l’attitude rejetante et dure du bourreau ce qui risque de réveiller le fonctionnement de victime de l’autre côté, car les systèmes relationnels sont des valses qui s’exécutent à deux.
Les besoins de sécurité affective, de se sentir aimée et de se sentir importante de Chantal risquent de rester insatisfaits;
- Ma rétroaction thérapeutique: Ma chère Chantal, peu importe que les autres nous aient réellement rejetés ou non, je sais de l’intérieur combien une blessure d’abandon fait mal et tu as toute ma compassion pour la souffrance avec laquelle tu t’es débattue au moment précis que tu nous décris dans ce passage. Une fois encore, je suis triste de lire que tu n’as pas su trouver comment sortir de l’isolement à l’époque et cela me fait de quoi de savoir que tu sois restée seule avec ce malaise. Je suis honorée qu’aujourd’hui tu me partages ainsi ce moment intime de ta vie et je souhaite que la sensibilité que j’éprouve pour la jeune adolescente intense que tu étais puisse t’apporter un baume aujourd’hui dans le cœur de la femme de cœur que tu es devenue et qui porte toujours ce souvenir inscrit en mémoire. Je te souhaite que maintenant que tes émotions désagréables ont pu être nommées, que cette partie-là de toi puisse trouver la paix dans le présent. Je connais ta volonté à prendre en charge tes besoins aussitôt qu’ils sont conscientisés et je sais que tu vas faire ce qu’il faut à partir d’aujourd’hui pour les combler.
- Le mécanisme de protection suggéré : Comme dans l’analyse précédente, je recommande la vérification comme antidote à interprétation. J’observe que Chantal à un deuxième mécanisme de défense qui se combine à interprétation; celui de l’isolement. Chantal semble chercher à s’auto-réconforter avec les conclusions qu’elle fait, mais se faisant elle reste plutôt seule avec sa souffrance, c’est ce que j’appelle l’isolement. Elle garde son malaise pour elle. L’isolement nourrit la pulsion et la non-importance. Ce fonctionnement risque de nourrir la blessure de non-importance si elle en porte une.
Donc le mécanisme de protection approprié est celui de sortie de l’isolement, que ce soit directement avec la personne concernée ou avec une personne de confiance qui pourra lui témoigner de la sensibilité sans la juger.
Les patterns présents à observer
Abandonnique : J’y mettais tout mon amour, mon âme même, me semblait-il.
Abandonnique/déserteur : Je voulais me laisser guider par mes émotions et le feu du désir et de la passion qui brûlait en moi, mais…
Supérieur(lui)/Inférieur(toi) : Il se disait plus vieux et plus mature. Il était de son devoir de me protéger. Me protéger de quoi? Il ne me l’a jamais dit.
Vécu d’une personne qui se sent envahie dans son territoire psychique : J’étais contrariée et frustrée de me faire considérer comme immature. C’était à moi de décider pour moi!
Abandonnique : J’ai détesté me faire refuser, repousser. Je considérais que ce rôle devait être le mien. Il se retirait avant que je ne touche à ma limite. (Oui, car lui avait touché la sienne, en fait.) Il avait peur d’abuser de moi.
Supérieur(toi)/Inférieur(lui)
De plus, mon jeu de séduction comprenait de provoquer certaines situations pour faire réagir celui qui m’intéressait afin de savoir si je m’entendrais bien avec son caractère avant d’aller plus loin dans la relation et éviter les déceptions inutiles. Je n’apprécie pas avoir l’impression de perdre mon temps ou de servir de passe-temps. Cette relation m’a permis d’établir certaines de mes limites et savoir un peu plus ce que je voulais ou ne voulais pas.
Analyse des patterns de Chantal
L’élément déclencheur : « Il se disait plus vieux et plus mature, qu’il était de son devoir de me protéger »;
- Le vécu déclenché : « J’étais contrariée et frustrée… »
Ces mots reflètent de la colère défensive – une pseudo-émotion qui en cache une autre plus souffrante – et les mots : «de me faire considérer comme immature » m’indiquent que Chantal vivait de l’infériorité également;
- La réaction/comportement réflexe : Premièrement, Chantal interprète qu’elle se fait «considérer comme immature», car le jeune adolescent n’a pas dit qu’elle était «immature», mais uniquement que lui-même était «plus mature qu’elle». Par contre, en se comparant «comme meilleur du point de vue de la maturité», ce garçon adoptait effectivement une attitude de supériorité et la réaction de Chantal était donc extrêmement naturel.
Chantal se défend une fois encore de son malaise par le fonctionnement de l’isolement, teinté d’une saveur de bourreau : « Me protéger de quoi? Il ne me l’a jamais dit. » En laissant à son ami la responsabilité d’expliquer ce qu’il voulait dire par « qu’il était de son devoir de me protéger », elle s’isole et reste dans l’attente que l’autre « s’améliore en devinant qu’elle est mal avec ce qu’il a dit » , réflexe tellement courant d’ailleurs. C’est toute une gymnastique de prendre conscience de toutes les attentes qui nous montent malgré nous chaque jour. Chantal a à nouveau fait preuve d’humanité imparfaite. Elle a eu un réflexe mental naturel.
Un autre fonctionnement apparaît aussi. Même si Chantal avait raison de dire: « C’était à moi de décider pour moi », elle a beau nommer qu’elle est frustrée par les propos du garçon, mais ne nomme pas le lui avoir signifié, afin de récupérer son propre pouvoir. Elle semble avoir laissé l’autre l’interpréter, car le fait de se supérioriser, c’est en fait l’action d’envahir le territoire psychique de l’autre en lui collant une forme d’étiquette « moins ci, moins cela » ou « plus ci, plus cela », avec un sous-entendu que l’autre est moins valable que soi. En se laissant interpréter, Chantal s’est en quelque sorte auto-trahie, tombant ainsi à son tour dans la danse de ce système relationnel du supérieur et de l’inférieur, elle, étant l’inférieur;
- Les conséquences sur la relation entre les deux personnes : En restant seule avec ses malaises, Chantal ne peut pas combler son besoin d’être écoutée et acceptée telle qu’elle est. Elle se défend plutôt par les fonctionnements du bourreau et de l’envahi, ce qui empêche ses besoins d’affirmation et de valorisation d’être satisfaits. L’accumulation de non-dits peut creuser le fossé qui sépare deux personnes qui au fond s’aiment et risque à la longue d’initier un autre système; celui de l’abandonnique et du déserteur. Cela augmente les chances que les liens entre les personnes se brisent ;
- Ma rétroaction thérapeutique: L’adolescence est une période où l’identité est fragile, car elle est en pleine construction. Je comprends tellement que cet événement te soit resté gravé dans ta mémoire! Ce n’est jamais agréable de se faire comparer comme inférieur à quelqu’un d’autre, encore moins lorsque ces mots sont prononcés par une personne qui nous est chère, dans ce temps-là cela va généralement nous rentrer directement en plein cœur. Je sais qu’aujourd’hui tu es une femme solide qui a fini de construire son identité et je sais qu’aujourd’hui tu as bâti une grande confiance en toi et je ne crois pas que tu te trouves immature aujourd’hui, mais je suis vraiment touchée de voir comment ce moment a été difficile pour toi à l’époque. J’espère que le dévoilement de ce souvenir vulnérable inspirera certains lecteurs à prendre conscience de leur fonctionnement à leur tour pour pouvoir trouver un chemin plus satisfaisant à leur vie.
- Le mécanisme de protection suggéré : L’affirmation de soi par l’expression d’un non-dit. Cela semble évident et bébé-facile à réaliser, n’est-ce pas? Cette opération est pourtant bien plus délicate à réussir qu’il n’y paraît, dans un monde idéal où les licornes existent, il faut en plus parvenir à le faire “en toute responsabilité”. Qu’est-ce que cela mange en hiver cette fameuse responsabilité? Eh bien, il s’agit de comprendre et d’assumer que ce n’est pas tant la faute de l’autre si on a mal, mais qu’il s’agit plutôt d’une corde sensible que nous portons qui a été touchée. Autrement dit, nous sommes censés être assez adultes pour assumer que la douleur déclenchée par quelque chose de l’extérieur nous appartient et était en quelque sorte déjà là, mais endormie.
C’est ce qu’on appelle “les blessures psychiques« , ces mini-traumatismes qui se sont produits durant notre enfance, emmagasinés dans notre mémoire et qui ressurgissent pour nous faire pogner les nerfs de manière disproportionnée dès que quelqu’un accroche ces ecchymoses mentales.
Pas évident de voir cela comme toi, Stéphanie, vous me direz. En effet, ce ne l’est pas parce que nous avons été habitués à chercher un coupable pour expliquer nos souffrances, alors que cette manière de faire n’apporte qu’une illusion de mieux être, car elle ne fait qu’augmenter le chaos dans les relations humaines. Cela n’a jamais été réellement payant de trouver un “pas fin » à juger. Notre société québécoise judéo chrétienne fonctionne bel et bien ainsi, donc je vous accorde que c’est toute une reprogrammation du mode de pensées que je vous invite d’adopter-là.
En contrepartie, je vous assure que le gain au bout de ce chemin en vaut plus qu’une chandelle, car c’est la liberté d’être et la paix intérieure qui nous attendent à la ligne d’arrivée. Est-ce que je vous donne le goût juste un brin? Je l’espère, car je vous souhaite la même libération que j’ai pu gagner pour moi-même.
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Réponse de Chantal à la deuxième analyse de Stéphanie
Bien qu’à cette époque je n’en avais nullement conscience, cette analyse est tout à fait exacte. Je me suis sentie non importante et ma réaction fut de me taire (donc créer un non-dit) et de développer de la colère pour cette interprétation de ce qu’il m’exprimait. Je me suis détachée graduellement et je l’ai laissé en croyant que nous étions trop différents. La réalité est que je me sentais blessée et croyais ne pas avoir beaucoup d’importance à ses yeux mais cela n’a pas été vérifié. Je croyais à cette époque, mon analyse de la situation tout à fait juste. N’en étant pas consciente, je ne pouvais que réagir comme je l’ai toujours fait soit en rejetant. Premièrement par mon silence, ensuite, mon refoulement, ma colère puis la fuite.
Lorsque j’ai rencontré mon homme, je n’avais que 16 ans et lui en avait 26. Eh oui! J’ai toujours pensé que j’étais plus mature que mon âge et l’assurance que je démontrais intimidait passablement les garçons de mon âge. Mon autre copain de l’époque devait venir me rejoindre à une soirée de danse mais il a finalement annulé à la dernière minute. Je n’avais pas l’intention de gâcher la fête alors je me suis promis de m’amuser une peu. Cela n’allait déjà pas très bien entre nous et j’envisageais sérieusement le laisser. Pour se faire, j’attendais qu’il donne de ses nouvelles mais il resta des mois sans me contacter et je conclus que cette relation était belle et bien terminée.
Dès le premier regard, j’ai été fasciné par cet homme. Il était intriguant parce que son regard trahissait son apparence. Il faisait très rétrograde de par son habillement et tout de suite, la référence aux « Arpents verts », une émission de télévision de l’époque, m’est venue à l’esprit. Cependant, sa posture et son regard démontraient une belle personnalité. Je connaissais son âge, ma mère m’en avait informé. Elle connaissait bien sa famille puisque semble-t-il, nous étions parents éloignés. J’ai donc décidé de m’amuser un peu et aller voir si mon instinct s’avérait juste. Ce que j’ignorais, c’est que je me ferais prendre au jeu.
J’aime bien provoquer des situations et faire ressortir le caractère des hommes qui me plaisent. Leur réaction me dit s’il continue de me plaire ou non. Jusqu’à présent, aucun ne m’a vraiment plu. Je multiplie régulièrement la provocation afin de savoir à qui j’ai affaire.
Lui, dit qu’il était captivé par moi, il ne voyait plus rien d’autre. Mes mouvements, mon magnétisme le fascinait. Il ignorait mon âge mais je devais avoir 18 ou 20 ans selon mon attitude et ma posture. Il me suivait des yeux où que j’aille autant de fois que cela lui était possible.
Ce soir-là, nous étions à une soirée de danse organisée par les fermières de la paroisse. Nos mères étaient toutes deux fermières. Lui et toute sa famille, s’occupaient du service du bar. Il était donc facile pour moi de l’approcher. J’aime bien faire les premiers pas. C’est moi qui choisit. Par la suite, si j’ai aimé la réaction, je laisse courir. Parce que j’aime les hommes qui ont de l’audace.
Donc, je prépare mon attaque… sa mère vendait des tickets pour les consommations. Je me suis dit; voyons sa réaction si je le traite si je passe par sa mère pour l’inviter à danser. Il ne m’a pas vu m’approcher, mais lorsqu’il me vit au bar devant sa mère, il ne me quitta pas des yeux. Il maintenait le regard, c’était déjà ça! Curieusement, de mes 16 ans, j’avais remarqué que beaucoup d’hommes ne peuvent soutenir le regard ou devrais-je dire, de garçons. Je me suis approchée de sa mère et tout en le regardant, je lui ai demandé si elle acceptait que son fils vienne danser avec moi. Sa mère était mal à l’aise de ma question et me répondit qu’il fallait le lui demander directement, mais déjà, il avait retiré son survêtement pour revêtir son veston d’habit afin de me suivre. Je lui ai dit : « Pas la peine de mettre ton veston. » Sa mère enchaîna aussitôt en disant qu’il se sentait nu si non. Je n’ai pu m’empêcher de répondre : « Ça ne lui en prend pas gros pour se sentir nu! ».
Tout ce temps, il maintenait le regard, ce qui m’a beaucoup plu, en voulant dire; attend toi, tu ne perds rien pour attendre. Un regard de défi, j’aimais ça. Je riais dans ma barbe, satisfaite de mon attaque.
Lui, a été surpris de me voir au bar, si près de lui. Il n’aurait pas osé faire les premiers pas. Il espérait cependant que je me présente pour une consommation afin de pouvoir me parler et me voir de plus près. Sa mère vendait les tickets pour la boisson alors il était logique que je vienne chercher à boire. Il s’approcha pour entendre ce que j’avais à lui dire et le fait que je le regarde en maintenant le regard l’encouragea. Il a trouvé très charmant et très drôle ma taquinerie envers lui. Il se sentait important et cela mettait du piquant à la situation.
Puis, nous avons dansé un « slow ». Je sentais son corps près du mien, ses yeux sur moi et mes sens se sont mis en éveil. Il émanait de lui une telle énergie, j’en étais renversée. Il a senti la fébrilité de mon corps et cela m’enivrait. J’étais bien, précieuse et en sécurité dans ses bras. J’avais l’impression que je le connaissais depuis longtemps. C’était bizarre et agréable. Lorsqu’il est venu me chercher pour une autre danse, je lui ai dit que j’avais 16 ans et il me répondit qu’il n’en avait que 26. Je me suis surprise à me laisser aller contre lui, tout à fait à l’aise. Comme si nos âmes se connaissaient depuis toujours. C’était bizarre cette sensation de déjà vu, de plénitude. Sa conversation était intelligente et son assurance déroutante. J’avais raison, les apparences étaient trompeuses.
Il avait l’impression de danser avec un bijou précieux, il avait des papillons partout, il se sentait jeune homme, c’est comme si le temps c’était arrêté autour de nous. Il ne réalisa pas toute l’implication du fait de mon âge, il était juste bien et se savait patient. Content de plaire et que je reconnaisse sa valeur. Il a aussi eu cette impression de déjà vu, comme si on se retrouvait enfin même si on se voyait pour la première fois.
J’ai été troublée ce soir-là par cet homme, moi qui n’était qu’une adolescente, une jeune femme de 16 ans en pleine ébullition, un homme mature s’intéressait à moi, c’était très troublant. Sa présence était imposante mais extrêmement respectueuse. Il m’a séduite. Je l’ai laissé courir. Cela n’a pas été chose facile pour lui mais j’adorais le voir courir. Ce n’est qu’après deux mois suite à cette soirée que nous avons fait notre première sortie et qu’il m’a offert son premier baiser que je n’ai jamais oublié.
Il était angoissé à l’idée de se faire rejeter par moi. Il cherchait à voir un signe de mon intérêt envers lui avant de bouger. Il avait peur que je banalise, que je refuse son invitation. C’était la première fois qu’il était ainsi attiré par une femme alors il se décida enfin à se lancer après deux mois, tentant le tout pour le tout. Il n’était encore jamais sorti avec une fille puisque son travail lui prenait tout son temps.
À cette époque, l’âge de l’adolescence, des découvertes et de la recherche de son identité, l’amour est pur, intense et sans attente du moins, pour moi il en était ainsi. Tout est découverte, sensation et émotion. Le plus difficile est de réussir à départager ce que l’on veut de l’autre, ce que l’on ressent face à l’autre et ce que l’on vit avec l’autre. Ce n’est pas chose facile de faire la distinction entre l’amour et le désir et la passion, même une fois adulte.
Mes sens étaient en ébullition et les siens aussi. J’étais sa première copine. Il avait été élevé sur une terre et il ne connaissait que le travail de très tôt le matin à tard le soir. Il ne sortait jamais sauf pour une activité dont il était coach de sport. Donc, pas vraiment le temps de fréquenter qui que ce soit. Nous avons donc fait plusieurs découvertes ensembles. Cependant, un obstacle majeur était entre nous, l’âge. J’étais mineure et lui avait 10 ans de plus que moi. Même si j’étais plutôt mature pour mon âge, cela ne fait aucune différence au niveau de la loi. Il pouvait être accusé de détournement de mineur. J’étais consciente de ce fait parce que ma mère m’en avait averti. Lui, n’en avait aucune idée encore. C’est pourquoi nous n’avons eu aucun rapport sexuel avant mes 18 ans. Jamais il ne m’a brusqué ou il n’a insisté pour obtenir des faveurs sexuelles de moi. Il attendait que je sois prête. C’est moi qui posait mes limites et il les respectait. Lui, était prêt à tout même s’il ne connaissait rien et qu’il découvrait tout en même temps que moi.
Nous avons utilisé l’obstacle de mon âge à notre avantage. Cela a fait que nous avions tout notre temps pour nous découvrir et faire nos explorations sans se presser. Quoi que l’on fasse, je savais qu’il n’y aurait pas de pénétration et cela était sécurisant pour moi. Ces moments hyper-sensuels font parties de mes meilleurs souvenirs encore aujourd’hui après plus de 30 ans de mariage.
À cet âge, ou devrais-je dire, à cette étape (parce qu’il avait beau en avoir 26, il vivait la même chose que moi), j’avais la tête dans les nuages. J’étais en amour, prête à tout, j’aurais tout donné, j’oubliais tout et l’amour, la relation prenait beaucoup de place dans ma vie, ma tête. Je lui accordais une grande importance. C’était la même chose de son côté. Je passais avant tout, rien n’aurait pu l’empêcher de venir me voir si je lui demandais ou avais besoin de lui. Nous avions soif l’un de l’autre.
Même si on se parlait beaucoup de tout et de rien, on ne connaissait pas ce qu’est la véritable communication. Je ne croyais pas avoir besoin de tout verbaliser ce que je ressentais pensant que le sentiment d’amour étant si fort, il devait sûrement le sentir, le savoir, du moins, j’en étais convaincue. Comment cela aurait-il pu en être autrement? Lui de son côté, ne parlait pas beaucoup plus que moi de ses peurs, ses blessures. En fait, je croyais parler de ce que je ressentais mais cela se passait dans ma tête. Je le disais une fois, et si je n’étais pas entendue, je gardais le silence.
C’était l’innocence, le temps où j’étais le plus authentique et spontanée, du moins c’est l’impression que j’avais. Je n’étais pas encore tombée dans le piège de tout faire pour se faire aimer. Tout est une question d’amour propre. Quelle importance est-ce que je m’accorde? Quelle est la valeur que je crois avoir? À cette époque, je croyais fermement avoir et être d’une très grande valeur, j’en étais convaincue. Je me respectais beaucoup. J’étais très à l’écoute de moi, mon corps, mes besoins, mes émotions, mes sentiments. Mon estime de moi était à son meilleur. C’est pourquoi, j’étais très consciente de mes limites face à mon corps et les faisait respecter aisément. Je n’ai aucun regret de cette époque. Tout était parfait, magique. Je me sentais importante, précieuse et respectée.
L’analyse de Stéphanie
- L’élément déclencheur : «Mon copain de l’époque devait venir me rejoindre à une soirée de danse, mais il a finalement annulé à la dernière minute. »
- Le vécu déclenché (les émotions et les pseudo-émotions): Pour que Chantal prenne la peine de dire qu’elle n’avait pas l’intention de gâcher la fête, signifie qu’il lui a fallu changer d’attitude intérieurement. On peut donc en conclure qu’elle vivait des émotions désagréables qui minaient son humeur, suite au moment déclencheur, mais à quoi nous n’avons pas accès exactement? Était-ce de la déception ? Était-ce un sentiment de non-importance ? Seule Chantal pourrait nous le spécifier. En parallèle, elle nomme qu’elle n’était pas bien dans cette relation avant même ce moment déclencheur: «Cela n’allait déjà pas très bien entre nous », mais une fois encore, elle ne décrit pas quoi plus précisément et ne peut donc pas être entendue ici et maintenant dans la souffrance que ce souvenir éveille aujourd’hui en elle.
- La réaction/comportement réflexe :
- D’abord, Chantal explique qu’avant même cette situation, elle était déjà déclenchée dans son fonctionnement de déserteur : « J’envisageais sérieusement de le laisser. »
- Sauf qu’elle restait dans l’attente de le revoir pour passer à l’action : « Pour ce faire, j’attendais qu’il donne de ses nouvelles », et quelque part, elle reproche à l’autre de la fuir, alors que cette attente est pourtant une fuite en soi. Chantal fait donc de la projection de son propre fonctionnement automatique de fuite sur son copain.
- Finalement, elle nous décrit comment elle est restée longtemps dans cet état d’attente passive, plongée dans un fonctionnement de victime de la mauvaise attitude de l’autre, pour à la fin interpréter le silence de son ami : «mais il est resté des mois sans me contacter et j’en ai conclu que cette relation était bel et bien terminée ».
- Les conséquences sur la relation entre les deux personnes: Le fait d’adopter une attitude où l’autre est considéré comme « pas correct » d’agir différemment de ce qu’elle attendait de lui initie le système relationnel du juge et du coupable entre les deux amoureux. Nous pouvons supposer que, se sentant indigne et fautif, son copain de l’époque s’est mis à fuir Chantal pour ne pas ressentir la culpabilité qu’il vivait en sa présence. Ce faisant, il a mis lui-même de côté ses besoins d’être aimé et d’être accepté inconditionnellement ainsi que son besoin d’affirmation de soi qui ne peuvent ainsi être satisfaits. Pendant ce temps, n’étant pas consciente de sa propre responsabilité dans cette dynamique, le fonctionnement du juge de Chantal se transforme en celui de victime qui reste passivement en attente que l’autre change en fonction de ce qu’elle voudrait. Dans cette posture, elle n’a pas accès à son pouvoir intérieur de créer sa vie. Ainsi, elle laisse elle-même son besoin d’importance et d’affirmation non répondu, jusqu’à ce que l’accumulation des non-dits fasse en sorte qu’elle se désengage intérieurement et déserte la relation. Conséquemment, ses besoins d’être entendue et aimée inconditionnellement ne peuvent pas être comblés.
- Ma rétroaction thérapeutique : Chantal, c’est bien beau de décortiquer froidement les fonctionnements et les comportements défensifs d’une personne, mais cela ne reste qu’un outil d’auto-observation mécanique. Sache que durant cet exercice, mon cœur est resté tout au long profondément sensible à la blessure de non-importance que tu m’as dit vivre à ce moment-là, lorsque nous nous sommes parlé au téléphone, même si tu ne le mentionnes pas ici dans ton livre. Ce n’est pas rien de vivre de la non-importance, car cela touche notre sentiment de valeur. Être déclenchée dans cette zone-là, ça fait mal. On peut bien prêcher qu’il faut sortir de l’ego, car c’est souvent perçu comme un besoin superficiel, alors que pourtant, l’estime de soi, c’est quelque chose de fondamental. Nous avons besoin de sentir que nous avons de la valeur, que ce soit en nous sentant utiles pour les autres ou simplement en apprenant à nous aimer nous-mêmes. Bref, je saisis pourquoi tu étais déclenchée dans le fonctionnement de victime : c’est que d’une part, tu souffrais, et de l’autre, tu ignorais comment faire autrement. Je souhaite que tu puisses te nourrir de ma sensibilité envers toi en lisant ces mots et que cela te permette de mieux accueillir ce qui a été souffrant pour toi dans cette relation difficile, car c’est lorsque nous sommes remplis de sensibilité envers nous-mêmes que nous pouvons ensuite retrouver la même sensibilité envers les autres, même s’ils sont déclencheurs de souffrance. Nous pouvons par la suite reconstruire le pont de la relation ensemble.
- Le mécanisme de protection que je propose : Pour dénouer le système relationnel du juge et du coupable, qui est ici à la source du conflit relationnel, les deux parties doivent apprendre qui a quelle part de responsabilité dans le contexte et ensuite apprendre à l’assumer. Donc, dans le cas présent, Chantal doit commencer par s’auto-observer, afin de prendre conscience qu’elle est coincée dans ses fonctionnements de juge et de victime, et qu’elle se défend de ses malaises par les blâmes ainsi que la fuite, car tant que sa posture intérieure sera dans un mode d’attaque et de défense, la communication sera vouée à l’échec du point de vue de la relation. Dans un deuxième temps, plutôt que d’attendre de revoir son copain pour s’exprimer auprès de lui avec ses non-dits, elle devra oser prendre rendez-vous avec lui. Si elle prend d’abord le temps de se rappeler pourquoi c’est important pour elle d’oser exposer ce qu’elle vit, elle pourra ainsi trouver la force intérieure de le faire. Dans la situation décrite ici, la réponse est: c’est en se donnant elle-même l’importance dont elle a besoin en osant se montrer avec transparence qu’elle parviendra peu à peu à transformer sa blessure de non- importance. Par la même occasion, son besoin d’affirmation de soi sera lui aussi nourri, ce qui ne pourra qu’augmenter son estime de soi.
La réponse de Chantal à l’analyse de Stéphanie
Tu as bien raison, mais je ne pensais pas du tout comme ça à 15 ans. De plus, il m’était interdit de téléphoner à mon premier copain, je devais attendre qu’il appelle. Je me souviens qu’il m’a dit quelques années plus tard qu’il aurait aimé que je prenne les devants aussi. Qu’il ne se sentait pas important parce qu’il avait l’impression qu’il était le seul à faire des efforts. La réalité est qu’il avait plus de liberté que moi. Même si je brûlais d’envie d’aller le rejoindre à l’arrêt d’autobus lorsqu’il venait me voir, ma mère me l’avait interdit et il n’était pas question de transgresser ses ordres. C’est probablement pourquoi j’avais autant d’attentes face à lui. Lorsqu’il venait, je pouvais sortir plus facilement. Il le demandait à ma mère est celle-ci, la plupart du temps, acceptait. Ma mère disait: «Il doit te mériter. Laisse-le mettre l’effort sans courir après, il t’appréciera davantage. » Je portais cette rage, cette colère au cœur et surtout cette incompréhension face à ce manque de confiance en moi. Je sais qu’elle ne voulait que me protéger, mais j’aurais été plus coopérative si j’avais su et compris ses intentions.
Mais la réalité de la vie, la société et l’entourage détruisent souvent la magie. Je sentais que notre amour, notre harmonie dérangeait beaucoup autour de nous. Les jaloux et les inquiets se multipliaient. Je commençais à entendre des commentaires dans la famille et sentir la menace de détournement de mineur qui planait sur lui. On voulait nous séparer. Ma mère croyait à l’époque que cet amour ne serait qu’une passade pour moi et n’appréciait pas ma relation. Elle voulait que je le quitte parce que c’était ce que le conseil de famille avait suggéré pour ma sécurité.
Je suis de culture autochtone Iroquoise. Nos tribus vivent sous un régime matriarcal. Ce sont les femmes qui mènent et conseillent. Chez nous, le conseil était composé de ma grand-mère, ses trois filles et les filles adultes de ses filles, soit deux de mes cousines. Toutes n’étaient pas toujours présentes à ses réunions informelles mais les plus âgées, ont toujours une force de parole beaucoup plus grande. Du moins, c’est ce que j’ai appris. Même si je n’avais pas le droit de parole, j’ai souvent assisté à ses réunions. Je savais donc comment cela se passait. Lorsque le conseil suggérait quelque chose, il fallait s’y soustraire sinon, il trouvait le moyen de nous y contraindre.
Ma mère m’avait amené chez le médecin afin de vérifier si j’étais toujours vierge. Le médecin le lui confirma et nous sommes retournés à la maison. J’étais folle de rage. Je devais le protéger, nous devions nous séparer.
Lui de son côté, n’avait aucune idée du danger qui planait sur sa tête. Il était respectueux envers moi et même s’il s’avait que ma mère n’appréciait pas notre relation, rien d’autre n’avait d’importance pour lui. Il m’aimait profondément et aurait donné sa vie pour moi.
Pour moi, je dois avouer que je me sentais quelque peu envahie depuis un certain temps. Lui, lorsqu’il parlait de ses projets, nous voyait déjà mariés, avoir des enfants et une maison. Moi, je ne pensais qu’aux études et à ma carrière. Je ne désirais pas encore avoir d’enfants, ni de maison. Pour moi, le long terme n’existait pas, il n’y avait que le court terme soit un ou deux ans à l’avance, pas plus. Mais lui, voyait 10 et même 20 ans plus loin. C’était abstrait pour moi et tout à fait inconcevable. È court terme, je voulais vivre le parfait amour en logement afin de me faire une idée de ce que je voulais. Lui, disait qu’il était ridicule de prendre logement et payer inutilement. Il était beaucoup plus rentable de construire notre maison et ne pas payer de loyer. L’idée était bonne et techniquement menait au même résultat.
Il n’était pas pressé et aurait attendu le temps qu’il fallait mais moi je croyais qu’il voulait avoir des enfants à court terme et cela me bousculait, je ne me sentais pas prête pour ça. Je lui ai dit que je n’envisageais pas avoir d’enfant de sitôt et il répondait, ben oui, tu vas voir que tu vas en vouloir. Il était plus vieux que moi, il devait sûrement avoir raison. S’il essayait de me convaincre du contraire lorsque j’exprimais un besoin, je gardais le silence et me sentais envahie.
C’est là que la différence d’âge se faisait le plus sentir, sur nos projets d’avenir à court terme. Je ne désirais pas me marier, du moins pas à court terme. Je rêvais d’autonomie, de voyages et d’indépendance. J’ai donc décidé de profiter de l’occasion pour le quitter. Je savais qu’il ne lâcherait pas facilement prise alors comment faire pour le quitter? Je l’aimais, de ça j’en étais certaine mais j’avais besoin d’air. Si je lui avais dit que c’était pour le protéger, il n’aurait pas accepté et il aurait voulu qu’on se voit en cachette. De ce côté, nous étions totalement indisciplinés, on avait toujours besoin l’un de l’autre. Je devais donc être stricte, il serait toujours temps pour les explications plus tard. De plus, j’avais besoin de recul afin de comprendre pourquoi je me sentais bousculer dans tout ça et envahie. J’avais besoin d’air !! J’avais donc deux bonnes raisons de mettre temporairement fin à cette relation. De plus, la famille s’était réunie et manigançait déjà le moyen de nous séparer. C’est d’ailleurs eux qui m’ont dit comment procéder pour le quitter.
Le lendemain soir, j’étais fâchée suite à une situation où il n’avait pas pris ma défense alors que je me faisais insulter par un ami de sa famille, je lui ai simplement dit qu’il n’était pas nécessaire de revenir me chercher. Que c’était fini. Je m’attendais à un argumentaire mais rien. Il s’est refermé, a versé des larmes silencieuses et est reparti. C’était fini. J’étais démolie, rongée par le remord et lui, profondément blessé.
Ce silence dura presque deux ans. Malgré le fait que l’on se voyait toutes les semaines à la messe du dimanche, jamais il ne m’a demandé pourquoi je lui avais dit de ne pas revenir. Il affichait un air pitoyable de chien battu et cela me mettait hors de moi. Je nous croyais plus complices que cela. Je pensais qu’il se battrait pour moi. J’ai trouvé ça trop facile et je me suis sentie moins importante pour lui que je ne le pensais.
De son côté, il me croyait sous l’influence de ma famille, ce qui n’était pas complètement faux. Il pensait que j’avais finalement cru ce qu’ils disaient sur lui afin de le discréditer à mes yeux. Il s’est avoué vaincu et il est tombé dans un rôle de victime s’apitoyant sur son sort et de mon côté, le bourreau s’est réveillé solide. Je lui en voulais de ne pas avoir insisté, ne pas avoir été curieux, ne pas avoir posé de questions. J’ai tellement pleuré lorsqu’il a quitté suite à mes paroles, j’étais inconsolable, ma mère en était découragée. J’ai pleuré sans arrêt pendant au moins trois jours puis, je me suis faite une raison. Je me suis bâtie une carapace et je suis devenue insensible à sa souffrance, car je considérais qu’il était de mise qu’il souffre autant que moi.
Je me détachais de jour en jour, il me dégoutait de faire si pitié. Mais, la réalité était qu’il me manquait terriblement, j’étais malheureuse et je souffrais beaucoup de le voir ainsi sans lui dire pourquoi j’avais fait ça. Je me sentais méchante. Cependant, je n’aimais pas ce qu’il avait choisi de devenir. Cela dura presque deux ans. Ensuite, il se mit à changer de comportement, de regard et il reprit de l’assurance. Sa posture se modifia. Même si j’avais tout fait pour m’en détacher, il me hantait toujours.
Lui, s’était remis au travail. Il faisait des heures interminables afin de ne pas avoir le temps de penser. Ses nuits étaient pénibles. Il me croyait perdu à jamais et il avait décidé de lâcher prise, de partir loin en mission étrangère afin de ne plus me voir et me laisser vivre ma vie.
De mon côté, j’avais atteint la maturité. Je m’étais acheté une moto et je travaillais à Montréal dans un grand bureau de crédit. J’étais autonome et indépendante. Je me préparais à déménager seule en appartement et je me suis dit qu’il était temps pour nous d’avoir une discussion et de faire la lumière sur ce qui s’était passé. Je lui demandai donc s’il voulait venir évaluer le recouvrement de mes meubles comme prétexte pour le rencontrer seul à seul et il accepta.
Nous n’avons même pas parlé de meuble. L’électricité était toujours présente entre nous, rien n’avait changé sauf que nous n’étions plus les mêmes, nous étions blessés et un non-dit s’était insinué entre nous. Il ne voulait pas parler de la rupture passée mais de nos projets respectifs et ce que j’avais fait depuis presque deux ans, etc. Nous n’avons donc jamais abordé la question. Ce fut une erreur…
Nous nous sommes donnés rendez-vous pour marcher au parc Angrignon à LaSalle et nous avons longuement discuté. Je voulais que l’on reprenne contact graduellement mais les choses se sont précipités. Il m’embrassa ce soir-là et je sus que c’est avec lui que je voulais passer le reste de ma vie. Il m’avait tellement manqué. Au bout de cette soirée de retrouvaille, il était devenu évident que nous étions à nouveau ensemble. C’était en août 1985 et je planifiais prendre un appartement pour juillet 1986. Je voulais qu’il aménage avec moi.
Ensuite, les choses se sont bousculés à une vitesse folle. Il ne m’a pas demandé en mariage mais en octobre 1985, nous étions fiancés, l’achat du terrain pour la maison était fait et la date du mariage réservée pour le 19 juillet 1986. Je trouvais cela amusant en fait, pour moi tout ça n’avait pas une très grande importance mais pour lui, cela semblait être si important que j’ai participé à sa joie sans contester. Ne voulant pas payer loyer, il s’est donc hâté de débuter la construction pour que l’on puisse y habiter pour juillet. Et vu qu’il ne pouvait concevoir que l’on vive ensemble sans se marier, il était logique que l’on se marie avant d’y habiter.
Plus le temps avançait, plus j’avais hâte que l’on se marie pour être enfin seuls lui et moi. Il y avait beaucoup trop de monde qui décidait beaucoup trop de choses pour nous. Je me disais qu’une fois dans notre maison, ce serait différent, on serait chez nous et on ferait comme on veut mais je me trompais. Comment prendre ma place si déjà je ne dis rien? Avec la construction de la maison, l’enfer était déjà commencé. Parfois, je me disais, si on était seuls au monde lui et moi, pas de famille, ça irait beaucoup mieux. Mais il faut apprendre à composer avec ça. Il aurait fallu que je prenne ma place dès le début au lieu de laisser la possibilité aux autres de décider pour moi. Mais tous ces détails avaient si peu d’importance à mes yeux. Je ne voulais qu’être avec lui, le reste avait peu d’intérêt. Cette maison, je n’en voulais pas vraiment. Je considérais que c’était chez lui. Moi c’est un logement que je voulais, mon logement.
Je n’avais pas encore réalisé à quel point cette séparation avait provoqué chez moi un sentiment inconscient de culpabilité. Je me sentais coupable de lui avoir fait mal, de l’avoir blessé. Je considérais qu’il n’avait rien fait pour mériter une telle cruauté de ma part. Je me sentais redevable envers lui et le sentiment d’innocence, de pureté et de beauté du début de notre relation s’est transformé.
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Première analyse de Stéphanie
- L’élément déclencheur : “Jamais il ne m’a demandé pourquoi je lui avais dit de ne plus revenir.”
- Le vécu déclenché (les émotions et les pseudo-émotions, quoi) : “Je m’attendais à un argumentaire mais rien (…) Je lui en voulais de ne pas avoir insisté, ne pas avoir été curieux, ne pas avoir posé de questions.”
Chantal portait l’attente qu’il réagisse autrement et cette attente non remplie déclenche de la déception et du ressentiment, mais au départ cette attente lui appartient et ne rend pas l’autre fautif. Chantal ne savait pas qu’elle était responsable de sa propre déception.
Ces émotions de surface – la déception et le ressentiment – ne sont que des pseudo-émotions qui cachent les émotions réelles. Nous n’y avons pas accès par contre. Nous pourrions faire l’hypothèse que Chantal vit une souffrance de non-importance et de dévalorisation. Elle pourra nous valider ou nous corriger dans sa réponse qui va suivre.
- La réaction/comportement réflexe : “(…) le bourreau s’est alors réveillé. (…) J’étais insensible à sa souffrance, je considérais qu’il était de mise qu’il souffre autant que moi. (…) Ce silence dura presque 2 ans”.
Chantal se défend de la douleur déclenchée par la situation en glissant dans les systèmes relationnels du bourreau et du déserteur. Elle croit que son ami aurait dû agir autrement et en conséquence elle ferme son cœur à lui, le rejette et se met à le bouder. Cette réaction est une illusion, car Chantal rejette d’abord et avant tout la partie d’elle-même qui a mal en agissant ainsi, puisqu’elle s’empêche elle-même d’être entendue dans sa souffrance.
- Les conséquences sur la relation entre les deux personnes : En se rejetant l’un et l’autre, les deux personnes ne peuvent combler leurs besoins de comprendre, donc sécurisés, ainsi que de se sentir considérés, aimables et légitimes et d’être entendus également. Bref, ce genre de situation est vraiment source de souffrance, car beaucoup de besoins restent non-satisfaits par cette dynamique de non-communication;
- Ma rétroaction thérapeutique: Chantal, j’ai hâte de lire pour avoir enfin accès aux émotions plus profondes qui ont été déclenchées et qui ont activé du ressentiment et de la colère en toi en passant par le fonctionnement du bourreau. Le bourreau est en fait un être hypersensible, mais qui a appris à bien cacher sa vulnérabilité derrière sa colère, car s’était trop risqué pour lui de se montrer tel qu’il est vraiment. Je pense à la jeune femme qui démarrait sa vie et qui déjà portait très fort cette défensive. En restant ainsi seule sans pouvoir t’offrir de sensibilité à la partie de toi qui avait mal, tu as dû vivre une grande solitude. Je suis très empathique à tout cet amalgame d’émotions désagréables qui t’ont habitées et qui l’habitent puisqu’encore aujourd’hui même en couchant sur le papier cette partie de ton histoire, c’est encore les défensives en surface que tu nommes, mais pas le vécu déclenché à la base. Je te souhaite de trouver le chemin vers cette partie encore à l’ombre et de pouvoir y ouvrir une brèche lumineuse pour que les blessures cachées puissent être entendue et recevoir le baume qu’elles attendent.
- Le mécanisme de protection suggéré : Il s’agissait d’une attente inconsciente, donc l’étape qui précède le mécanisme de protection est la prise de conscience de cette attente. Ensuite, le mécanisme de défense approprié quand on porte une attente est la demande claire. Advenant que mon hypothèse sur le sentiment de non-importance soit juste, Chantal aurait pu dire à son ami de cœur la chose suivante : “Je vis de la déception, car je portais l’attente que tu sois plus combatif, que tu cherches à me faire voir que tu m’aimes au point de ne pas me laisser partir.” Ensuite, quelque part dans le sentiment de non-valeur se cache l’interprétation que c’est pour cette raison que le jeune homme ne s’objecte pas à la rupture. Comme mentionné plusieurs fois dans les chapitres précédents, le mécanisme de protection qui convient lorsqu’on est dans l’interprétation est la vérification. Elle pourrait sonner comme suit: “Le fait que tu ailles une réaction différente de celle à laquelle je m’attendais, me déclenche dans l’insécurité affective. Là je suis déstabilisée et je me demande si je suis importante pour toi ou pas. Peux-tu me dire ce qui en est?”
Deuxième analyse de Stéphanie
“Avec le temps, la douleur s’est apaisée. J’ai atteint l’âge de la maturité et réalisé certains de mes rêves d’indépendance et d’autonomie. Je m’étais acheté une moto 400 Yamaha rouge et je travaillais à Montréal dans un grand bureau de crédit. J’adorais l’indépendance et l’autonomie que je vivais. Je me sentais vivre, pleine de vie et heureuse. Je me préparais à aller vivre en appartement et j’évaluais que le moment était peut-être venu pour nous de discuter. Je trouvais qu’il avait assez souffert, il devait maintenant savoir pourquoi je l’avais quitté. ”
- L’élément déclencheur : Cette fois-ci, il y a deux déclencheurs, un intérieur “Cette séparation a provoqué chez moi un sentiment inconscient de culpabilité (…) Je me sentais coupable de lui avoir fait mal, de l’avoir blessé” et un extérieur “certains ne se sont pas gênés pour me le dire”;
- Le vécu déclenché : “Je me sentais coupable de lui avoir fait mal, de l’avoir blessé. Me sentant « pas correct » (…) cela a enfoncé davantage le clou de la culpabilité”;
La culpabilité est une émotion en réaction à une autre : la peur d’avoir blessé l’autre.
- La réaction/comportement réflexe : Cette peur devient une interprétation inconsciente non vérifiée et la culpabilité devient une croyance limitante qui envoie le message que Chantal “n’a pas été correcte”. Le système relationnel du juge, les gens qui ne se sont pas gênés pour le lui dirent, et du coupable, Chantal qui se sent effectivement fautive, a embarqué, suivi d’un système. Quand Chantal écrit “(…) je me suis mise à vouloir faire plaisir et accepter de me conformer à ce qui devrait être au lieu de suivre mon besoin (…)” elle décrit le fonctionnement de l’abandonnique qui ferait n’importe quoi pour ne pas perdre l’affection de l’autre. Elle écrit ensuite : “Je me suis perdue et l’auto sabotage a commencé. Je n’étais plus fière de moi et mon estime s’est grandement dégradé. (…) La seule chose que je veux c’est être avec l’homme que j’aime.” Abandonnique + Ces mots sont signe que toute cette dynamique commence à l’entraîner vers la pulsion de mort.
- Les conséquences sur la relation entre les deux personnes : Les besoins de sécurité affective, de se sentir légitime, de s’aimer et d’être aimée inconditionnellement ne peuvent pas être satisfaits tant que Chantal reste coincée dans le fonctionnement du coupable, car elle ne se donne pas elle-même la liberté d’avoir fait ce choix pour elle-même, parce que le conflit de besoins entre elle et ce partenaire ne respectait pas son rythme à elle, celui d’attendre d’être certaine d’être avec la bonne personne avant de s’engager dans une relation sérieuse avec des engagements importants comme le mariage et les enfants.
- Ma rétroaction thérapeutique: Je suis sincèrement sensible à ta peur d’avoir possiblement blessé cet homme, Chantal, ainsi qu’à la culpabilité malsaine que cette peur génère. Une fois encore, je vois combien tu peux rester isoler avec l’insécurité qui t’habite “J’ai atteint l’âge de la maturité et réalisé certains de mes rêves d’indépendance et d’autonomie.” (= mouvement dans tes besoins. Cela va permettre d’avoir plus d’objectifs communs avec Richard, donc ce sera moins menaçant et plus propulsant d’être à nouveau ensemble. Tu es plus prête, plus rendue “à la même place que lui » + il n’y a plus de dangers légaux pour lui, donc pour le couple). “Je m’étais acheté une moto 400 Yamaha rouge et je travaillais à Montréal dans un grand bureau de crédit. Je me préparais à aller vivre en appartement et j’évaluais que le moment était peut-être venu pour nous de discuter.”
Le mécanisme de protection suggéré : Une nouvelle fois, par rapport à l’interprétation d’avoir blessé l’autre, je recommande la vérification avec la personne concernée comme mécanisme de protection. / 2)Briser l’isolement aussi.